Le traitement de la TVA lors de l’émission de jetons dans le cadre d’une offre au public de jetons

16/09/2019
Le sujet sur le champ d’application de la TVA dans le cadre d’offres au public de jetons (initial coin offering, ICO) a été traité dans le rescrit fiscal du 7 août 2019.

La TVA est définie comme étant « un impôt indirect inclus dans les prix de vente de biens ou de prestations de services et payé par les consommateurs »[1]. Elle s’applique à tous les biens ou services achetés ou vendus pour la consommation. Son régime juridique est défini par l’article 256 et suivant du Code général des impôts.

S’est posée la question de savoir si les règles classiques de la TVA s’appliqueraient dans le cadre d’ICO ou tout autre offre de crypto-monnaie 

Afin de permettre l’application de la taxe sur la valeur ajoutée certaines conditions de base doivent être remplies. De ce fait,  pour qu’une opération rentre dans le champ d’application de la TVA, il convient rechercher :
  • Si l’opération est effectuée à titre onéreux ;
  • Si une fourniture de biens ou de services est  effectuée ;
  • Si les livraisons de biens ou la prestation de services sont  effectuées à titre onéreux et donnent lieu à une compensation financière de la part du bénéficiaire ;
  • Si un lien direct existe entre le service rendu ou le bien livré et la contre-valeur reçue.
Dès lors que ces conditions sont remplies, l’opération sera placée dans le champ d’application de la TVA.


Avec le respect des conditions précitées, l’offre au public de la crypto-monnaie ou des jetons serait-elle soumise à la TVA ?

L’administration fiscale française dans son rescrit du 7 août 2019 a conclu :
 
  • Concernant la crypto-monnaie
Plusieurs manières d’obtention de la crypto monnaie existent. Sont visés par exemple leur échange contre des biens et des prestations de service ou leur achat sur les plateformes d’échange. Ils sont souvent échangés contre la monnaie traditionnelle, comme euros ou dollars mais il s’avère difficile de classifier Bitcoin en raison de sa nouveauté en tant qu’actif numérique et sa différence par rapport aux actifs déjà disponibles sur le marché.

Monnaie ou matière première ? Dans quelle catégorie classer le Bitcoin ?
La matière première est définie comme étant « un actif physique d’origine naturelle, souvent utilisée comme matériel de base dans la production de biens ou services » [2]. En 2015, aux Etats-Unis, l’autorité de régulation du marché des matières premières (Commodity Futures Trading Commission, CFTC), a déclaré que le Bitcoin entrait dans la catégorie des matières premières en raison de son caractère échangeable sur le marché. C’était le premier pas vers la reconnaissance de la crypto-monnaie par les institutions financières. Ainsi, toutes les transactions financières s’effectuaient en respectant les règles encadrant les échanges de matières premières.

Aujourd’hui, la Bitcoin permet à son détenteur d’acheter sur Internet des biens et des prestations de service et peut être considérée comme étant une monnaie immatérielle, autrement dit, une crypto-monnaie.

C’est dans cette logique  et selon les dispositions de l’article 261 c du Code général des impôts (CGI) que l’administration fiscale a précisé que les actifs numériques contenant des unités de valeur non monétaire, acceptés par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange, ne sont pas assujettis à la TVA. Egalement, la Cour de justice de l’Union européenne, dans sa jurisprudence du 22 octobre 2015 (affaire Hedqvist) a appliqué aux actifs numériques, tels que les Bitcoins, le même régime que celui applicable aux moyens de paiement légaux. Les opérations de change de devise traditionnelles contre les actifs numériques et inversement sont dès lors exonérés de TVA en application de l’article 261 C précité.

Cependant, l’administration a précisé que la crypto-monnaie utilisée dans le but d’achat d’un bien ou d’un service se caractérise comme étant un échange de flux de TVA. Par conséquent, les opérations d’échange de crypto-monnaie contre un produit ou service seront assujetties à la TVA car ils  ne pourront pas être considérés comme étant des prestations de service de change d’une devise, mais seront qualifiés d’une prestation de service de paiement en échange d’un bien ou d’un service.

Conséquemment, une telle opération réalisée dans le but de tirer des bénéfices sera soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, c’est-à-dire que toute personne physique ou morale effectuant régulièrement des échanges de crypto-monnaie contre des biens ou des services sera assujettie à la TVA.

 
  • Concernant les tokens
Un lien direct doit être établi entre le service rendu ou le bien acquis et la contre-valeur reçue pour qu’une opération entre dans le champ d’application de la TVA.

Selon le rescrit fiscal, il n’existe aucun lien direct au moment de l’émission et de l’échange de jetons dans le cadre de l’offre au public de jetons. Ici, les jetons émis sont utilisés uniquement dans le cadre de développement de la start-up et non pas en tant qu’un moyen de payement pour un quelconque bien ou service. Les sommes perçues par la société émettrice des jetons ne seront donc pas soumises à la TVA en raison de l’existence d’un aléa sur les contreparties futures. Cependant, conformément aux dispositions de l’article 256 du CGI, seront soumises à la TVA les livraisons des biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux.

L’administration fiscale a souligné que l’assujettissement à la TVA doit être déterminé selon la catégorie de jetons : « security tokens » ou « utility tokens ».

Les jetons d’usage, « utility tokens », sont des jetons de la consommation de service et peuvent être échangés contre la monnaie, des biens ou prestations de services. Tandis que les « security tokens » représentent une partie de la société  et donnent à ses détenteurs des droits dans la société, tels que la perception des dividendes  ou la prise des décisions.

S’agissant des jetons d’usage, deux cas de figure se présentent :
  • Au moment de leur émission et de l’échange, les sommes perçues ne sont pas assujettis à la TVA.
  • En revanche, si la société émettrice des jetons les commercialise ultérieurement auprès d’un acquéreur en contrepartie de paiement des biens ou services, l’opération entrera dans le champ d’application de la TVA.

S’agissant des « security tokens » :
  • Le jeton ne confère à son bénéficiaire qu’un droit de percevoir des dividendes et à prendre des décisions au sein de la société émettrice, à savoir, sa fonction est identique à celle d’une action ou une part sociale. Par conséquent, aucune TVA ne sera due sur cette opération.
 
 
 

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