Dans une proposition de loi présentée par le Conseil National de Monaco, le projet de loi 269 propose d’introduire une fiducie de droit monégasque, structure juridique absente jusqu’à présent dans l’arsenal législatif de la Principauté. Elle s’inspire de mécanismes connus en droit français, tout en les adaptant au contexte monégasque.
La fiducie n’est pas un trust
Contrairement au trust, issu de la tradition anglo-saxonne et reconnu de manière limitée à Monaco via des mécanismes transfrontaliers, la fiducie est un instrument de droit civil. Elle a été consacrée en France par la loi du 19 février 2007, dans un cadre juridique strict, notamment pour des finalités de gestion d’actifs ou de garantie (fiducie-sûreté).
La fiducie repose sur un contrat par lequel un constituant transfère temporairement un bien à un fiduciaire qui l’administre dans un intérêt défini, au bénéfice d’un tiers ou du constituant lui-même. Ce transfert s’opère au sein d’un patrimoine d’affectation, distinct du patrimoine propre du fiduciaire.
Un précédent législatif resté lettre morte
En 2010, une première proposition de loi n°197 avait envisagé l’introduction de la fiducie à Monaco. Elle n’avait pas abouti, en raison notamment d’un manque de maturité sur la compréhension de l’outil, de réserves fiscales et d’inquiétudes quant aux risques d’opacité.
Une réforme attendue, mais un débat fiscal à venir
La présente initiative de 2025 arrive dans un contexte bien différent : les professionnels monégasques maîtrisent désormais l’outil fiduciaire tel qu’utilisé en France, où il s’est stabilisé, y compris sur le plan fiscal. La France applique un régime dit de neutralité fiscale, notamment pour les fiducies-sûretés, évitant ainsi une double imposition injustifiée en l’absence de transfert économique réel.
Il est donc crucial que le futur cadre monégasque clarifie rapidement le régime fiscal applicable. La fiducie-sûreté risque de perdre tout intérêt pratique si elle est traitée comme une mutation taxable, ce qui pourrait compromettre l’objectif même de la réforme. Le débat majeur ne portera pas tant sur le principe de la fiducie que sur son articulation avec les impôts sur les droits d’enregistrement, les plus-values et la fiscalité successorale.
Des cas d’usages concrets à prendre en compte
L’expérience française offre un éclairage utile sur les usages pratiques et efficaces des deux formes de fiducie.
La fiducie-sûreté est un instrument prisé dans les opérations de financement complexe. Elle permet, par exemple, de garantir un crédit dans le cadre d’un LBO, en transférant temporairement les titres de la société cible au profit des créanciers. Elle est aussi utilisée dans le cadre de restructurations d’entreprises en difficulté, pour sécuriser les apports de nouveaux investisseurs. Elle sert également à refinancer des actifs immobiliers ou à apporter une sûreté efficace dans les pactes d’associés, en plaçant temporairement des actions ou des biens stratégiques entre les mains d’un fiduciaire, qui les réalisera si certains engagements ne sont pas tenus.
La fiducie-gestion, quant à elle, permet d’externaliser la gestion d’un patrimoine tout en préservant les objectifs définis par le constituant. Elle est utilisée par des chefs d’entreprise ou des familles pour confier la gestion de participations, de portefeuilles ou d’actifs immobiliers à des professionnels (banques, sociétés de gestion, etc.) dans un cadre contractuel clair. Elle peut aussi servir à organiser des plans d’intéressement (management packages), à structurer des fonds de dotation, ou à piloter des investissements pour le compte de bénéficiaires multiples, avec un haut niveau de traçabilité.
Ces cas d’usage démontrent que la fiducie, loin d’être un simple outil théorique, répond à des besoins concrets du monde des affaires, de la finance et de la gestion patrimoniale. Encore faut-il que son régime juridique et fiscal soit cohérent et sécurisé.
Intégrer les professionnels expérimentés dans les discussions
Il est également essentiel que les personnes habilitées à exercer en tant que fiduciaires à Monaco ne soient pas restreintes aux établissements de crédit ou professions réglementées. Les prestataires de services aux structures (TCSP), fortement encadrés et déjà actifs dans l’administration de patrimoines complexes, pourraient être intégrés comme acteurs éligibles. Leur expertise opérationnelle représente un atout majeur.
De même, d'autres professionnels de la principauté tels que l’AMPA, qui regroupe des professionnels qualifiés en gestion de trusts et de structures patrimoniales, pourraient également être utilement associés aux concertations avec le Conseil National et le Gouvernement. Forte de son expérience de terrain et de ses standards rigoureux, elle est un interlocuteur naturel pour sécuriser les pratiques fiduciaires à venir.
La proposition de loi n°269 représente une avancée bienvenue pour moderniser le droit monégasque et doter la Principauté d’un outil reconnu internationalement. Son succès dépendra toutefois de deux facteurs clés : la mise en place d’une fiscalité cohérente et incitative, et l’inclusion active des professionnels expérimentés, tels que les TCSP et l’AMPA, dans l’élaboration des textes d’application.
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