Rapport annuel 2024 de l'AMSF de Monaco : informations clés pour les professionnels du TCSP, du yachting et de l'immobilier

06/11/2025

L'Autorité monégasque de sécurité financière (AMSF) a publié son rapport d'activité annuel 2024, le premier bilan complet depuis sa transformation en autorité indépendante en vertu de la loi n° 1.549 du 6 juillet 2023.
Ce rapport offre une vue détaillée du paysage monégasque en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, avec de nouvelles données sur la déclaration des transactions suspectes, la supervision et l'application de la loi.

Pour les professionnels des secteurs des services fiduciaires et aux entreprises, du yachting et de l'immobilier, qui relèvent tous de la définition des professions non financières, le rapport donne une image claire des priorités et des attentes du régulateur pour 2025.

1 – Un cadre institutionnel renforcé

Tout au long de l'année 2024, l'AMSF a consolidé sa structure à trois piliers :

  • La Cellule de renseignement financier (CRF), chargée d'analyser les déclarations d'opérations suspectes et les renseignements financiers ;

  • Le Département de la supervision, qui effectue des contrôles AML/CFT à distance et sur place ;

  • Le Département des sanctions, opérationnel depuis novembre 2024, habilité à imposer des sanctions administratives.

Les effectifs de l'Autorité ont été portés à 68 agents (+8 en 2024) et devraient atteindre 80 d'ici la fin 2025.
Des outils numériques clés ont été déployés, notamment goAML (plateforme sécurisée de soumission des déclarations d'opérations suspectes) et STRIX, qui permet une supervision basée sur les risques pour toutes les entités réglementées .

2 – Forte augmentation des déclarations d'opérations suspectes

En 2024, le CRF a reçu 1 351 déclarations d'opérations suspectes (DOS), soit une augmentation de 13 % par rapport à 2023 .

  • Les institutions financières ont soumis 843 déclarations (62 % du total, -4 %).

  • Les professions non financières (DNFBP) ont déposé 508 déclarations (38 % du total, +58 %).

Cela représente une tendance à la hausse soutenue depuis cinq ans des déclarations du secteur non financier, qui joue désormais un rôle majeur dans le système de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme à Monaco .

Répartition par principaux secteurs non financiers (2024) :

  • Établissements de jeux – 196 déclarations de transactions suspectes (+51 %)

  • Notaires – 75 (+121 %)

  • Experts-comptables – 53 (+56 %)

  • Agents immobiliers – 53 (+96 %)

  • Yachting et transport maritime – 28 (+17 %)

  • Prestataires de services aux entreprises – 24 (-11 %)

  • Multi-family offices – 10 (+233 %)

La hausse continue dans tous les secteurs non financiers désignés témoigne d'une prise de conscience croissante et d'une coopération accrue avec l'AMSF. L'extension des obligations en matière de lutte contre le blanchiment d'argent aux notaires et aux huissiers de justice en vertu de la loi de 2023 a également contribué à cette augmentation.

3 – Coopération et transmission de renseignements

La CRF a transmis 46 rapports au Parquet général en 2024 (+59 %) – 28 rapports initiaux et 18 rapports complémentaires – sur la base d'indices sérieux de blanchiment de capitaux ou d'infractions connexes .
Elle a également exercé son pouvoir légal de suspendre huit transactions pendant cinq jours ouvrables au maximum, pour un montant total de plus de 57 millions d'euros .

Au niveau international, la coopération est restée intense :

  • 91 demandes reçues (-2 %), 126 demandes envoyées (+22 %) et 94 communications spontanées reçues (+45 %) .

  • La plupart des échanges ont eu lieu avec des CRF partenaires européennes, mais la coopération avec l'Asie et le Moyen-Orient s'est notablement intensifiée.

4 – Typologies pertinentes pour les secteurs des services privés à Monaco

Le rapport comprend des exemples concrets de typologies de criminalité financière analysées en 2024 qui concernent les domaines fiduciaire, nautique et immobilier :

  • Typologie 1 – Nautisme : une vente de yacht basée à Monaco a été utilisée pour transférer plusieurs millions d'euros provenant d'une personne faisant l'objet d'une enquête à l'étranger pour traite d'êtres humains .

  • Typologie 2 – Services aux entreprises : utilisation de factures de conseil et de structures offshore pour dissimuler des revenus imposables et d'éventuels produits de la corruption.

  • Typologie 3 – Immobilier : achat d'une villa à Monaco par une famille étrangère liée à des affaires de détournement de fonds et d'évasion fiscale à l'étranger .

Ces typologies confirment la nature transnationale des flux financiers affectant Monaco et l'exposition des secteurs des biens et services de luxe à des utilisations criminelles.  

5 – Surveillance et observations sectorielles

Le département Surveillance de l'AMSF a effectué 36 inspections sur site en 2024 (+56 %) et 28 réunions Risques et Conformité, touchant au total 64 entités. 61 % de ces missions concernaient des professions non financières, ce qui démontre le recentrage de la réglementation sur les DNFBP.

Surveillance hors site (examens documentaires) :

  • 1 167 documents examinés (+1 %), y compris les procédures internes et les rapports d'activité.

  • 1 169 questionnaires sur les risques remplis (+33 %), avec un taux de réponse de 84 % (contre 71 % auparavant).

  • Les secteurs du yachting et des biens de grande valeur ont enregistré la plus forte croissance en termes de participation (respectivement +474 % et +703 %).

Contrôles d'aptitude et d'honorabilité :

  • Une division dédiée tient désormais à jour le registre DRAKKAR de toutes les entités assujetties (1 824 au 31 décembre 2024) et de leurs responsables désignés en matière de lutte contre le blanchiment d'argent.

  • Plus de 400 vérifications continues des antécédents ont été effectuées au cours de l'année.

Suivi et application :

  • 26 lettres de recommandation et 9 missions de suivi ont été réalisées en 2024 (contre 7 et 8 en 2023).

  • Le département des sanctions nouvellement créé a reçu 14 dossiers d'inspection à examiner en 2025 et peut infliger des amendes pouvant atteindre 10 millions d'euros ou révoquer des licences en cas de manquements graves.

6 – Constatations communes et défis en matière de conformité

Les annexes du rapport résument les forces et les faiblesses les plus fréquemment observées dans les secteurs financiers et non financiers.

Pratiques positives

  • Évaluations des risques formalisées et régulièrement mises à jour (EGR/BWRA).

  • Procédures internes claires, documentées et cohérentes avec les activités.

  • Implication de la direction dans la gouvernance AML.

  • Programmes de formation améliorés et sensibilisation accrue aux obligations de déclaration.

Lacunes récurrentes

  • Évaluations des risques tardives ou incomplètes ; traitement limité des risques liés au financement du terrorisme et à la prolifération.

  • Identification incohérente des bénéficiaires effectifs et documentation insuffisante sur l'origine des richesses/fonds.

  • Classification peu rigoureuse des clients et des transactions en fonction des risques.

  • Cadres de contrôle interne limités ou non testés.

  • Formation du personnel incomplète ou peu fréquente.

  • Soumission tardive ou absence de rapports d'activité annuels (seulement 38 % des entités).

  • Lacunes dans la diligence renforcée à l'égard des personnes politiquement exposées (PPE) et des pays à haut risque.

  • Surveillance insuffisante des transactions en espèces, avec certains paiements cumulés supérieurs à 30 000 euros sur six mois.

Ces observations soulignent la nécessité d'une amélioration continue dans l'ensemble de la communauté des DNFBP, en particulier dans les secteurs où les structures des clients et les transactions sont complexes.

7 – Implications pour les secteurs des TCSP, du yachting et de l'immobilier

Prestataires de services fiduciaires et d'entreprise (TCSP)
Les TCSP restent essentiels pour détecter et prévenir l'utilisation abusive des véhicules d'entreprise. L'AMSF attend une vérification plus systématique des informations sur les bénéficiaires effectifs, un contrôle plus strict des structures transfrontalières et des preuves formelles d'un suivi des clients basé sur les risques.

Entreprises de yachting
Les courtiers, concessionnaires et gestionnaires de yachts sont désormais entièrement soumis au régime AML/CFT. La typologie 1 du rapport démontre l'exposition du secteur aux produits du crime international. Les entreprises doivent s'assurer de la vérification préalable des clients, conserver des preuves documentaires des fonds et déposer rapidement les déclarations d'opérations suspectes via goAML.

Agents immobiliers et promoteurs
Le quasi-doublement des déclarations d'opérations suspectes provenant de ce secteur témoigne de progrès, mais l'AMSF identifie encore des lacunes dans la vérification de l'origine des fonds et de l'objet des transactions. Les agences sont invitées à conserver des dossiers détaillés de diligence raisonnable et à mettre à jour leurs évaluations des risques chaque année.
 

8 – Perspectives pour 2025

L'AMSF prévoit :

  • D'augmenter ses effectifs à 80 personnes et de renforcer les inspections de suivi.

  • D'affiner l'utilisation de STRIX pour une analyse plus granulaire et basée sur les risques.

  • De poursuivre la formation et l'accompagnement des professions non financières.

  • De donner la priorité à l'application du nouveau cadre de sanctions.

Pour les entités assujetties, les priorités sont claires : garantir la qualité, la rapidité et l'exhaustivité des rapports ; formaliser les procédures internes fondées sur les risques ; et maintenir les programmes de gouvernance et de formation en parfaite adéquation avec l'évolution du cadre réglementaire.

 

Le rapport 2024 de l'AMSF confirme une avancée décisive dans le régime AML/CFT de Monaco : une indépendance institutionnelle renforcée, une supervision plus approfondie et une participation croissante du secteur non financier.

Pour les TCSP, les sociétés de yachting et les professionnels de l'immobilier, le message clé est le même : les attentes en matière de conformité sont de plus en plus élevées. Chaque entreprise doit réévaluer sa gestion des risques en matière de LBC/FT, mettre à jour ses contrôles internes et maintenir une coopération ouverte et rapide avec l'AMSF.

Ce faisant, le secteur répondra non seulement aux normes de l'Autorité, mais contribuera également à préserver la réputation de Monaco en tant que centre financier international transparent et sûr.

Pour plus d'informations, veuillez contacter Peter Brigham : p.brigham@rosemont-mc.com

(Source: Autorité Monégasque de Sécurité Financière – Rapport d’activité 2024)
Credit Picture Antoine Contenseau