Cette question est d’autant plus sensible que les fondateurs s’exposent à une responsabilité personnelle s’ils contractent au nom d’une société non encore existante.
En France, la réponse est encadrée depuis longtemps par le Code de commerce et la jurisprudence. À Monaco, un régime plus hétérogène a longtemps prévalu, jusqu’à l’adoption de la loi n° 1.573 du 8 avril 2025, qui harmonise et modernise profondément le droit des sociétés monégasque. Elle introduit notamment l’article 1672-5 du Code civil, consacrant un régime de reprise des actes inspiré du droit français.
I. La naissance de la personnalité morale : de la diversité à l’uniformisation
A. En droit français : un principe clair depuis longtemps
En France, l’article L. 210-6 du Code de commerce pose un principe simple :
« La société jouit de la personnalité morale à compter de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés. »
Avant cette immatriculation, la société est dépourvue d'existence juridique : elle ne peut ni contracter, ni être partie à un litige. Les actes passés en son nom engagent uniquement leurs signataires, sauf s’ils sont régulièrement repris après immatriculation.
B. En droit monégasque : une réforme majeure avec la loi n° 1.573 du 8 avril 2025
Avant 2025, la date de naissance de la personnalité morale variait selon la forme sociale : à la signature des statuts pour les sociétés civiles, à l’assemblée constitutive pour les sociétés anonymes, ou encore à l’autorisation administrative pour certaines formes commerciales. Cette diversité créait une insécurité juridique certaine.
La loi n° 1.573 du 8 avril 2025 met fin à cette incertitude en alignant le droit monégasque sur le standard français :
Toute société acquiert désormais la personnalité morale à la date de son immatriculation au Répertoire du Commerce et de l’Industrie (RCI).
Cette réforme marque une unification bienvenue du régime juridique et renforce la sécurité des actes préparatoires.
II. La reprise des actes accomplis pour le compte de la société en formation
A. En droit français : un régime ancien
Trois modes de reprise sont reconnus par la jurisprudence et la doctrine :
Annexation aux statuts : les actes expressément annexés à l’acte constitutif sont repris automatiquement.
Mandat donné par les associés : un fondateur peut être mandaté pour agir au nom de la société en formation.
Décision post-immatriculation : les organes de la société peuvent décider de reprendre expressément les actes.
L’effet de la reprise est rétroactif : la société est considérée comme partie à l’acte depuis l’origine, et les fondateurs sont déchargés de leur engagement.
B. En droit monégasque : l’introduction de l’article 1672-5 du Code civil
La loi n° 1.573 introduit dans le Code civil un article 1672-5, qui codifie pour la première fois à Monaco le principe de la reprise des actes accomplis pour le compte d’une société en formation. Il dispose :
« Les actes accomplis pour le compte d’une société en formation peuvent être repris par elle après son immatriculation, selon les modalités prévues par ordonnance souveraine. »
Ce texte, très proche dans son esprit du droit français, vise à protéger les fondateurs tout en sécurisant les engagements contractuels pris en amont. La reprise entraîne le transfert des droits et obligations à la société, qui en devient rétroactivement responsable.
Les modalités concrètes (forme de la décision, délais, effets juridiques) seront précisées par une ordonnance d'application, ce qui permettra de compléter le nouveau dispositif.
La réforme monégasque issue de la loi n° 1.573 du 8 avril 2025 constitue une avancée importante vers une modernisation et une sécurisation du droit des sociétés. En harmonisant les règles de naissance de la personnalité morale et en introduisant un mécanisme de reprise des actes similaire à celui existant en France, Monaco renforce son attractivité économique tout en offrant un cadre plus lisible aux praticiens et investisseurs.
Ce rapprochement des systèmes juridiques, tout en conservant les spécificités institutionnelles de la Principauté, illustre la volonté d’assurer un environnement des affaires stable, prévisible et conforme aux standards européens.
Pour plus d'informations, merci de contacter Stephane Alexandre, Head of Legal: s.alexandre@rosemont.mc